Faut-il avoir peur de l’Oracle de Belline ?

Avez-vous parfois eu peur de l’Oracle de Belline ?  Avez-vous conclu qu’il était négatif ? Et s’il était seulement parcouru d’une trop grande puissance ? Voici mon éclairage sur le célèbre Oracle :

 

Comme il semble cossu, ce jeu, tapis dans sa boîte en faux lézard noir avec son nom Oracle Belline gravé à l’or fin sur le couvercle…

 

Au début tout va bien… En l’étalant, face retourné -après l’avoir brassé- comment ne pas être rassuré par les 52 cartes, bleu nuit avec leurs étoiles scintillantes reliées les unes aux autres dans une longue guirlande protectrice ?

 

Mais sous ses habits de notable, l’Oracle de Belline est un cynique qui tombe le masque au premier tirage.
Tenez, pensez à votre question, retournez quelques cartes…
Terminée l’ambiance céleste des dos étoilés : bienvenue dans la matière et ses luttes, prédites par des dessins aux traits épais, aux couleurs saturées et aux messages sans langue de bois : chaque carte est identique (1) : un mot -à droite- une planète -en haut à gauche- et au centre un dessin…
Des dessins grossiers qui ignorent la perspective – sauf la carte départ et ce n’est pas un hasard – maltraitent les proportions, dessinent les ombres avec des ratures rageuses, mais parlent immédiatement aux tripes et au cœur, se font comprendre en un clin d’œil, se trompent rarement…
Et c’est ce qui fait peur.
Si l’oracle de Belline – crée par le mage Edmond au XIXe siècle- et retrouvé par le voyant Belline au début des années 60 tombe si juste, c’est grâce à sa solide ossature symbolique qui couple chaque carte avec une des sept planètes fondamentales. Cela ne laisse aucun doute sur les connaissances traditionnelles d’Edmond et contraste avec l’amateurisme apparent des dessins.
Et si ces dessins n’étaient pas simplistes ? Si derrière des symboles universels aussi parlant que ceux des panneaux de signalisation – comme ici avec accident– nous trompaient

 

en cachant des messages plus complexes, cryptés sous leurs traits malhabiles ?
Et si certains symboles -déjà présents dans les contes -comme les donjons (cartes les pénates, ruine) les couronnes (cartes honneurs, le hasard, appui, présents, beauté) ou les lauriers (cartes réussite, la paix) pouvaient annoncer des évènements moins limités que ce que notre imaginaire nous conduit à imaginer ?
D’abord, les dessins des 52 cartes ne sont pas si semblables.
Commençons par leur position à l’intérieur du cadre :
Il y a ceux qui occupent l’espace paisiblement, bien centrés au milieu de leur place. C’est le cas -entre autres- de l’intelligence ou de plaisirs

 

Et puis ceux qui cognent contre la frise du cadre, car leur épreuve -ou leur mission- est trop lourde pour eux, comme la main droite de la vieille femme d’infortune qui bute contre le cadre.

ou l’aile gauche écrasée du vautour – et non de l’aigle ! – de maladie qui semble manquer d’élan pour enlever sa proie

ou encore les deux ailes du puissant aigle d’appui, qui, au contraire, semblent vouloir pousser la frise…

 

Avez-vous parfois eu peur de l’Oracle Belline ?
Avez-vous conclu qu’il était négatif ?
… Et s’il était seulement parcouru d’une trop grande puissance qui « débordait » elle aussi du cadre comme certaines des dessins de ces cartes ?
Lors de ma rencontre avec l’Oracle de Belline -il y a 35 ans- je l’ai moi aussi abandonné : il m’angoissait.
Le livret trouvé avec le jeu ne m’avait pas convaincue. J’ai été étonnée que Belline – célèbre voyant au talent incontestable -n’évoque pas la présence des planètes dessinées sur les cartes et ne tienne pas compte de celles-ci dans ses interprétations. Car ce sont ces planètes qui permettent – et de nombreux auteurs se sont ensuite penchés sur le sujet- de préciser le sens de chaque carte. J’ai également été surprise qu’il rebaptise certaines cartes d’un nom différent de celui qu’Edmond avait choisi et dessiné de sa main.
Enfin, il proposait des interprétations surprenantes : En lisant qu’une carte (inconstance), associée avec une autre (le vent) annonçait une catastrophe aérienne… bigre ! Je me suis demandé combien de clients morts dans un crash aérien lui avaient permis d’arriver à ce genre de conclusions.

Puis, un jour assez particulier pour moi, j’ai retrouvé le jeu dans un tiroir et, la nuit suivante, j’ai fait un curieux rêve dans lequel une femme que je ne voyais pas mais que j’entendais clairement m’expliquait les précautions particulières à prendre pour l’interroger. Qui était-elle ? Je n’en sais rien. Ce fut sa première et dernière visite. Mais je me souviens encore de sa voix chaude et joyeuse.
Au réveil, j’ai tout noté. J’ai tenté d’appliquer le protocole transmis et surprise : l’Oracle a cessé de « sauter » comme un tableau électrique en surtension lorsque je l’interrogeais.
C’est à ce moment-là que j’ai commencé à entretenir avec lui une relation de plus en plus profonde. Puis, j’ai observé chaque carte, en essayant de comprendre ce qu’Edmond- dont ce jeu était l’œuvre- avait voulu dire…

J’ai d’abord découvert que les figures humaines animales ne regardent jamais en face, sauf vol-perte et aussi trahison, ce qui n’est pas un hasard, et nous allons y revenir.
D’abord, Il y a les personnages qui regardent en bas parce qu’ils survolent, subissent ou veillent, comme inconstance, infortune, despotisme ou famille

 

Cela m’a permis de préciser leur sens et de mieux comprendre ce qu’elles annonçaient dans un tirage…

Ensuite, j’ai remarqué que certains personnages semblaient nous fixer, mais sans nous voir, comme si leur le regard passait à travers nous. C’est le cas d’amor, maladie, fatalité ou appui

 

Pourquoi ?… Je crois l’avoir découvert… Et cela a aussi modifié mon interprétation.
Ma conviction aujourd’hui, c’est qu’Edmond, volontairement -ou peut être inconsciemment inspiré par ses guides- a transmis à travers cet oracle, non seulement un merveilleux outil divinatoire, mais aussi un message à la fois spirituel et initiatique sur la manière d’aborder la vie avec sagesse.

Spirituel, car la seule carte qui tient compte de la notion de perspective dans le dessin, est départ.

C’est la seule carte qui a trois dimensions et montre un espace assez vaste pour pouvoir s’y projeter, la seule qui a de la profondeur, avec des oiseaux qui s’envolent -chacun semblant à la fois libre, mais relié aux autres – vers des horizons encore inconnus, mais déjà désirés…
Prendre conscience tout d’abord de notre nature céleste, de notre liberté et enfin de notre place au milieu des autres serait-elle la plus grande aventure possible ? Celle qui permettrait à notre âme de découvrir sa profondeur ?

L’Oracle, si doué pour prédire l’avenir de nos projets dans leur dimension terrestre, a voulu nous rappeler que seule l’acceptation du mouvement – car rien n’est permanent – et la pratique du détachement – pouvait donner une dimension à nos vies.

Comment ne pas penser à la parole de Jésus (2) dans l’Evangile de Thomas « Soyez passant » dont on retrouve l’écho sculpté sur le porche de l’ancienne ville Fateh-pu-Sikri :

Jésus, la Paix soit sur Lui
a dit :
Le monde est un pont –
passe dessus
mais n’y établis pas ta demeure » (2)

 

Mais l’Oracle a aussi une vocation Initiatique qui nous permet de mieux comprendre la nature humaine et ses abîmes :
Le sens commun représente toujours le traître comme un hypocrite au regard fuyant et le cambrioleur comme un être masqué. Et le sens commun se trompe…
Commençons par le traître : « Regarde-moi dans les yeux » n’est-elle pas la phrase magique prononcée pour faire apparaître la vérité ? L’Oracle nous donne une leçon de psychopathologie -bien avant que la notion de pervers narcissique n’ait été découverte : D’un côté, il utilise un lieu commun : le chat-noir – qui -porte- malheur, mais dont le regard est aussi direct qu’acéré. Ce que nous apprend l’Oracle c’est que le traître ne baisse pas les yeux et n’a pas peur de regarder sa victime en face : au contraire, il l’observe et la fixe, comme le prédateur le fait avec sa proie.

En pratique : trahison annonce aussi des relations inégales -ou l’un à des droits et l’autre des devoirs- des mensonges et des dissimulations, des manipulations, des abus, mais aussi des climats de malveillance qui font expérimenter à la victime la sensation d’avoir été bafouée, ou d’avoir traitée d’une manière inhumaine.
Quant au voleur de vol perte, Edmond l’a représenté sous la forme d’une chauve -souris vampire. C’est la seule carte du Belline qui est sexuée… Si le voleur ne tient pas d’or ni de bijou dans ses pattes arrière, mais le corps d’une souris sans défense, c’est parce que cette carte prédit le plus souvent un vol immatériel : celui de l’énergie vitale … Une chauve-souris qui mange une souris ? Cela n’existe pas. Que veut signaler Edmond sinon qu’il y a souvent une intimité, une proximité entre le voleur et sa victime ?
En pratique – je l’ai constaté mille fois- les pertes annoncées seront dues à la fréquentation de personnes toxiques, côtoyées intimement dans la vie affective ou professionnelle, pas à un cambriolage ou d’une escroquerie. Mais ces pertes seront aussi beaucoup plus douloureuses, car elles ne sont prises en charge par aucune assurance…
Enfin, Edmond enfonce le clou, il veut que l’on comprenne :
Ces deux cartes sont les seules du jeu à sourire franchement…

 

D’un sourire mauvais qui évoque la Schadenfreude (4) cette expression allemande qui signifie « la joie du dommage » et se traduit par la « joie malsaine » ou la « joie maligne » éprouvé en observant le malheur d’autrui…

Heureusement, il y a toujours quelque chose à comprendre pour éviter le pire : sagesse est là pour nous protéger, avec son sourire plein de bonté …

Non, L’Oracle de Belline, n’est pas négatif, mais initié.
Il veut nous guider dans la jungle de la vie dont il connaît les tentations, les règles, les joies et les peines, les oasis … et les enfers.

Trop puissant pour être approché sans protocole, trop subtil pour se résumer au mot inscrit par Edmond de cette écriture gothique échappée d’un grimoire …

Mais pour interpréter l’Oracle sans erreur, il faut aussi comprendre ses dessins.
…Si vous voulez savoir pourquoi le petit soleil -en bas à droite- de la carte changement

est le seul personnage du jeu qui regarde vers le haut, comment cela oriente la manière de comprendre cette carte et des changements dans votre vie, si vous vous demandez ce que signifie la coiffe de pharaon de l’étoile de l’homme et de l’étoile de la femme

 

pourquoi les yeux de la femme se croisent, pourquoi l’homme regarde à droite …

Si vous voulez percer le mystère de la carte bleue

je vous donne rendez-vous pour un nouveau séminaire car j’ai hâte de partager avec vous ce que l’Oracle m’a enseigné !

…Promis, je vous transmettrai aussi mon protocole pour ne plus faire « sauter » l’Oracle en l’interrogeant.

Maud Kristen.

NOTES
1) Exceptées les 3 premières cartes : dotées d’un numéro et d’un nom -la
destinée, l’étoile de l’homme, l’étoile de la femme-  elles n’ont pas de
correspondance astrologique.
Il existe également une autre carte, bleu ciel, qui ne comporte ni nom,
ni numéro, ni planète …
2) Evangile de Thomas, Logion 42
(3) L’Évangile de Thomas de Jean-Yves Leloup – Albin Michel, 1986
4) « schadenfreude ist die beste freude » : la joie malveillante est la meilleure
des joies.